« L’Homme qui savait la langue des serpents » est un roman de l’écrivain estonien Andrus Kivirähk.
L’histoire nous est racontée par Leemet, jeune garçon de la forêt à qui son oncle apprend la langue des serpents. Cette langue, sifflante, permet non seulement de communiquer avec les serpents mais également de se faire obéir de presque tous les animaux de la forêt (sauf les insectes, qui sont trop bêtes). Pas besoin par exemple de chasser pour se nourrir, le bon sifflement permet aux chevreuils de venir à vous afin que vous puissiez le tuer et le manger.
Au moment où l’histoire prend place, l’invasion du pays par des chevaliers chrétiens allemands amène un vent de modernité qui transforme les gens de la forêt. Ils deviennent villageois, travaillent aux champs, mangent du pain, et doivent chasser pour manger de la viande. Les chevaliers en armure et autres prêtres chrétiens deviennent les nouvelles idoles et références de la majeure partie de la population. Une des conséquences est que de moins en moins de monde connait la langue des serpents. Ces derniers sont même considérés comme des envoyés du diable. Leemet et sa famille sont quasiment les derniers habitants de la forêt, et Leemet devient la dernière personne qui connait vraiment la langue des serpents.
Le monde qui nous est décrit est emprunt de magie. En plus de la langue des serpents, les habitants de la forêt côtoient régulièrement les ours, bien connus pour être des amoureux transis des femmes de la forêt. Les louves sont quant à elles utilisées pour être chevauchées et pour le lait qu’elles produisent. On rencontre également des anthropopithèques, amis de Leemet, être venus d’un autre âge qui regrettent le temps jadis et sont bien décidés à vivre comme le faisaient nos ancêtres (et qui ont un élevage de poux ! ).
On suit l’histoire de Leemet avec beaucoup d’empathie, et on ressent très fortement les émotions qui sont les siennes. Il oscille entre deux mondes, tiraillé entre le passé représenté par les anthropopithèques, trop extrême, et le futur amené par les chrétiens, qui ne correspond à rien pour lui et qu’il ne comprend pas (à quoi sert de manger du pain, cette espèce de bouillie indigeste qui nécessite de se lever aux aurores pour aller faucher du blé, quand on peut simplement siffler et avoir un bon chevreuil rôti ? ). Encré dans le présent, dans le monde de la forêt qui est le seul endroit qui aie une vraie valeur humaine à ses yeux, Leemet est profondément seul, et on souffre de cette solitude avec lui.
Ce roman est admirablement écrit (et traduit, du coup..). C’est un vrai plaisir de lecture, il n’y a pas de longueur, tout s’enchaîne bien, c’est vraiment agréable. Et l’histoire est passionnante. Il y a des airs de déjà vu, bien sûr, puisque qu’on aborde le thème de la chute d’une civilisation face à une société qui se dit plus moderne, mais qui apparaît finalement assez vide de sens (thème que l’on retrouve dans Pocahontas, ou le dernier des Mohicans par exemple…). A travers le réalisme magique de l’oeuvre, l’auteur dénonce toute forme de mysticisme et de fausses croyances, qui abaissent les hommes au lieu de les élever. Ce roman est à la fois drôle, mélancolique, tragique, philosophique, burlesque. On n’a aucun mal à rentrer dans l’histoire et le monde de Leemet, malgré les aspects fantastiques de l’oeuvre (l’attirance des femmes pour les ours par exemple), car tout est très bien raconté et très bien écrit (ça donne vraiment envie d’aller hiberner avec les serpents…).
Une vraie pépite, que je vous conseille de lire !!
(et ce coup-ci encore, merci à Moguri du Cosy Corner pour ce conseil avisé!)
J’ai moi aussi adoré ce livre ! Contrairement à toi, même si son thème sous-jacent a peut-être des airs de déjà-vu, je trouve que ce roman reste vraiment unique en son genre.
C’est un livre que j’ai déjà recommandé et qui a déjà beaucoup plu autour de moi. 🙂
Je suis contente qu’il t’ait plu! Je suis d’accord avec toi, ce bouquin est assez unique. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre au début (« si on parle uniquement d’un mec qui parle avec des serpents on va vit tourner en rond »), et très rapidement on accroche à l’histoire et on brûle de savoir la suite!