Encore la Vallée de Koom. Cette maudite Vallée de Koom. Celle où les nains ont tendu une embuscade aux trolls. Non. Attendez… Celle où les trolls ont tendu une embuscade aux trolls… Enfin bref, la Vallée de Koom! Elle a eu lieu il y a des siècles, personne ne sait qui a gagné, ni qui a commencé, car les belligérants ont été emportés par une des nombreuses crues de la Vallée, et ont été emportés sous terre. Mais tout le monde sait que c’était de la faute des trolls. Ou des nains. Un des deux en tout cas.
Et des siècles plus tard, voilà que s’annonce l’anniversaire de ladite bataille de la vallée de Koom, à Ankh Morpork, melting-pot de toutes les races du Disque-Monde, qui compte aujourd’hui un grand nombre de trolls, de nains, d’humains, de gnomes, de gargouilles, de vampires et de mort vivants. Entre autres.
Le guet de Samuel Vimaire essaie tant bien que mal de surveiller tout ça et d’éviter un remake de la bataille dans les rues de la ville, mais le meurtre d’un nain vient mettre le feu aux poudres. Un nain du fond, qui plus est, de ceux qui ne remontent jamais à la lumière du jour, qui ne vivent que dans les grottes, un de ces fondementistes pour qui les humains ne sont que quantité négligeable et pour qui les trolls valent moins que les roches qu’ils extraient. Un nain important donc, à côté de qui on aurait retrouvé un gourdin…de troll.
Voilà donc la base de « Jeu de nains », trente et unième tome des annales du Disque Monde.
On se retrouve plongés dans ces histoires pleins de sens et si riches de Terry Pratchett. Tout analyser prendrait des heures: on parle de ces peuples qui se font la guerre depuis des siècles sans savoir pourquoi, de ces extrémistes qui refusent d’évoluer et qui refusent que les autres le fassent, on parle de violence, de racisme. On y parle aussi, en jeu de miroir, d’évolution, de tolérance, de ces personnes qui voient au delà des guerres intestines et ancestrales.
Je ne vais vous parler que de deux aspects du livre que j’aime énormément : la paternité, et les ténèbres.
Cette vie qui est la sienne, Samuel Vimaire pense ne pas la mériter. Personnage important de la ville, à la tête d’un guet qui marche, marié à une femme formidable, et maintenant… un fils? Car oui, Samuel Vimaire a un fils, le petit Sam.
Puis le petit Sam était venu. Au début tout marchait bien. Le bébé était… ben, un bébé. […]. Puis un soir, son fils s’était tourné pour regarder directement Vimaire avec des yeux qui éclipsaient tous les quinquets du monde, et une horrible vague de peur avait déferlé dans la vie du commissaire. Toute cette bonne fortune, toute cette joie intense… ce n’était pas juste. L’univers ne pouvait sûrement pas permettre autant de bonheur chez un seul homme sans présenter la note. Quelque part, une grande vague noire montait en crête et, quand elle lui déferlerait sur la tête, elle balayerait tout sur son passage. Certains jours, il était sûr de l’entendre rugir au loin…
Jeu de NaiNs
Et tous les soirs à six heures, Samuel Vimaire lit une histoire au petit Sam. Tous. Les. Soirs. Il se l’est promis. Six heures pétantes, pas de retard, pas de bonnes excuses. Les bonnes excuses ouvrent la porte aux mauvaises.
Il faisait des cauchemars dans lesquels il arrivait en retard. Il faisait beaucoup de cauchemars au sujet du petit Sam. Peuplés de petits lits vides et de ténèbres.
Jeu de nains
La force des sentiments de Vimaire pour son fils me submerge à chaque lecture, je frissonne à chaque fois, ce sont vraiment des émotions très fortes. Cette relation avec son fils est un des fils rouges de l’histoire. Quelque-soit le meurtre commis, le meurtrier à arrêter, le délit à empêcher, à six heures, lecture au petit Sam. Il y a des choses qui sont importantes.
Ces sentiments sont presque trop puissants pour un seul homme. Comment ne pas exploser quand on a tellement d’amour et de peur, quand on rêve de petits lits vides? Comment ne pas basculer de l’autre côté quand quelqu’un attente à la vie de son enfant?
Une petite silhouette sombre était en haut de l’escalier et disparaissait dans la chambre d’enfant.
L’escalier large et imposant s’élançait devant lui, un escalier qui s’élevait jusqu’aux cieux. Il le monta quatre à quatre en s’entendant crier ; « J’vais te tuer te tuer vais tetuertetuertetuertuertuertuer tetuer te tuer tetuerte tuer ». Une fureur atroce l’étouffait, une rage et une peur horrible lui mettaient les poumons en feu, et les marches continuaient de défiler. […] Elles montaient indéfiniment, tandis que lui tombait en arrière vers l’enfer. Mais l’enfer le maintint à flot, donna des ailes à sa rage, le souleva, le renvoya…
Jeu de nains
Cette rage, Vimaire ne la ressent pas seulement quand son fils est menacé, il l’a ressent devant chaque injustice, dans le sens le plus pur de ce mot (je vous en ai déjà parlé ici). Cette rage le définit complètement, au plus profond de lui. Je ne dirai pas que Vimaire est une bonne personne, il est bougon, grincheux, en colère en permanence, intolérant envers tout ce qui ne colle pas avec sa vision du monde. Mais c’est une personne profondément juste. Et en colère.
Et c’est à travers cette colère, cette rage, que les ténèbres vont essayer de s’abattre sur le monde.
Les nains croient aux ténèbres. Quand on vit dans le noir, dans les profondeurs de la terre, ca n’a rien d ‘étonnant. Elles sont de toutes sortes , et toutes ont un symbole pour les représenter : les ténèbres qui attendent, celles qui se referment et celles qui s’ouvrent, les ténèbres qui respirent, les ténèbres qui appellent. Plus ou moins dangereuses, plus ou moins amicales. Les ténèbres qui suivent sont mauvaises, leur symbole découvert dans une mine n’augure rien de bon.
Sam Vimaire n’a pas peur des ténèbres. Pendant ses longues nuits de guet, sous le froid et la pluie, dans la pénombre, il fixait les ténèbres jusqu’à ce qu’elles clignent des yeux. Qu’elles les baissent.
Mais les ténèbres qui convoquent doivent être craintes. Elles sont de l’âge de l’univers, entité ancestrale et malfaisante qui a pour seul but de créer chaos et douleur. Et elles ont besoin d’un champion pour entrer dans le monde, quelqu’un chez qui la colère et la rage sont une seconde nature…
Les ténèbres qui convoquent vont donc, plusieurs fois, enflammer la rage du commissaire, la pousser en avant, pour la faire jaillir et embraser le monde.
Mais Vimaire est un flic. Un flic dont le sens de la justice est à l’image de sa rage, puissant et absolu. Un flic qui, pour empêcher que sa rage ne le submerge, s’est créé son propre flic.
Les ténèbres se fendirent et se heurtèrent à une résistance. « Pense aux morts qu’ils ont causées! Qui es-tu pour m’arrêter?
– Il m’a créé. Quis custodiet ipsos custodes? Qui garde les gardiens? Moi. Je le garde. Toujours. Tu ne le forceras pas à commettre des meurtres pour toi.
– Quelle espèce d’humain crée son propre flic?
– Un humain qui craint les ténèbres.
-Il faut qu’il les craignent, dit l’entité avec satisfaction.
– En effet. Mais je crois que tu ne comprends pas bien. Je ne suis pas ici pour empêcher les ténèbres d’entrer. Je suis ici pour les empêcher de sortir.
Jeu de nains
Jeu de nains, c’est un mélange de ténèbres et de lumières, d’émotions fortes, d’amour et de tolérance, d’espoir.
Peut-être l’un des meilleurs tomes des annales de disque-monde.
…
WOW !
Sacré article, félicitations Maelle !!!!
…
Les illustrations sont parfaites et soutiennent ton texte à merveille, bravo !
Il va quand même que je m’y mette à lire le Disque-Monde ! Par où on commence ? ^^
Merci pour ce message, c’est adorable! J’y ai passé du temps, et il me tenait à coeur!
Vaste question pour attaquer le disque monde… Je dirai qu’un très bon tome pour commencer, c’est celui Mortimer. C’est le premier tome du cycle de la Mort, personnage phare des annales. J’ai un amour tendre pour les tous premiers tomes, qui présentent Rincevent et son bagage (amour éternel), mais il faut lire les 2 premiers pour avoir une histoire complète (ca reste des « petits » livres, on gagne en nombre de pages au fil des tomes). Si tu accroches à Mortimer, c’est un go pour les 40 autres tomes, dans l’ordre de parution…
Et si tu n’accroches pas.. ma foi, on en rediscutera à ce moment là !
Personnellement je suis tombée dedans avec « le régiment monstrueux », 29ème tome, qui traite d’une armée… de filles. 😉