La BD documentaire est un genre à part entière, avec des auteurs comme Guy Delisle ou Etienne Davodeau. On y trouve nombre de récits de guerres, de conflits armés, de voyages dans des pays à risque. Existent également de nombreuses BD politiques, et historiques.
Emmanuel Lepage quant à lui excelle dans la BD reportage d’un genre plus… »naturel ».
Emmanuel est un auteur prolifique. Pas loin de 11 séries (one-shot ou vraie série), dont la série « Névé » très chouette que je vous conseille.
Ses dessins sont sublimes et je regrette souvent que la BD ne soit pas format plus imposant pour pouvoir mieux contempler ses planches. Il a un style très réaliste avec énormément de détails. De loin ses dessins pourraient facilement passés pour des photographies. Les couleurs sont toujours très recherchées, et si les visages sont souvent un peu stylisés (toujours très beaux) les paysages sont tout le temps magnifiques.
Et ses dessins se prêtent particulièrement bien à la BD reportage.
Dans 3 de ses œuvres, « Un printemps à Tchernobyl », « La Lune est banche » et « Voyages aux îles de la désolation », Emmanuel nous fait partager ses voyages sur des terres qui semblent abandonnées par l’homme. Dans la 1ère Emmanuel se rend à Tchernobyl avec d’autres artistes, et dans les deux autres il nous raconte ses voyages au bout du monde: mission scientifique sur la base française en antarctique et ravitaillement des bases françaises en terre australe.
Des croquis de voyages jalonnent les planches dessinées a posteriori, et parfois même on trouve des œuvres de son frère, photographe de métier, qui voyage avec lui. Ces trois BD sont à la fois très intéressantes et absolument magnifiques. Certaines doubles planches sont vraiment à couper le souffle, comme celle représentant l’aurore australe dans « Voyages aux îles de la désolation ».
En plus d’être bon dessinateur, Emmanuel Lepage est très bon narrateur. Au fil des pages il nous fait vivre le quotidien des missions scientifiques qu’il accompagne, de leur isolement dans ces endroits extrêmes. On comprend mieux l’importance des recherches scientifiques qui sont faites dans ces endroits du bout du monde, et quel sont ces gens qui font que de telles recherches sont possibles.
Avec son regard « novice » de reporter apprenti, et peut être parce qu’il est dessinateur, il capte des choses, des émotions, des sentiments, que l’on a peu l’habitude de voir dans ce genre de reportages. Dans « Voyages aux îles de la désolation », on comprend particulièrement bien les émotions qui sont les siennes quand il débarque à terre lors des différentes étapes. Il est toléré en tant que reporter, mais pas vraiment accepté au sein de ces équipes uniques qui viennent de passer 6 mois en huis clos, complètement isolées du reste du monde.
Personnellement je trouve que c’est dans son carnet de voyage sur Tchernobyl que l’auteur se livre le plus. Mandaté par une association pour rendre compte de la vie des survivants et de leurs enfants dans ce lieu contaminé, il hésite. Le nom de Tchernobyl résonne dans l’imaginaire collectif comme un lieu effrayant, gris et sale, un lieu de mort. Le choix d’aller y faire un reportage n’est pas simple à prendre, il y a un risque réel pour soi. Une fois sur place, le dessinateur nous fait partager son incompréhension à y trouver des belles choses, à mettre de la couleur sur des planches qu’il s’attendait à dessiner en dégradés de gris. Sont intégrés à l’ouvrage des croquis pastel réalisés lors du voyage. Se pose alors un dilemme: envoyé pour un reportage sur les conséquences de la catastrophe nucléaire, a t’il le droit de dessiner des paysages plein de vie? Comment représenter le danger sous-jacent, invisible, que l’on ne mesure finalement que grâce au tic-tic des compteurs geiger?
Ces ouvrages sont véritablement superbes, tant dans ce qu’ils racontent que dans leur dessins. Ce sont de véritables aventures humaines qui nous font nous poser plein de questions
Je vous conseille donc grandement la lecture des 3 albums, et ça fait des très beaux cadeaux à offrir, même aux non-amateurs de BD.
Muchacho de lui est aussi tres tres bien en 2 tomes.
mais tu as raison vraiment celle qui m’a le plus transporté est un printemps a Tchernobyl